L’actualité n’est pas (que) constituée de grands titres. Souvent, les signaux faibles sont visibles par quelques lignes, par une dépêche qui passe sous les radars, une annonce parmi d’autres. C’est le cas de celle d’Honeywell ce 15 juin. Elle nous apprend que l’entreprise, mastodonte de plus de 40 milliards de dollars présente dans le nucléaire comme dans l’aérospatiale, vient de créer une unité entièrement dédiée au pilotage de « systèmes aériens sans pilote ». Autrement dit, de drone.
Pourquoi un tel sujet dans nos colonnes ? Parce qu’il est aujourd’hui acté que les pilotes d’aviation vont progressivement devoir partager leur espace avec ceux de drones. Dans notre dernier épisode en date, Guillaume nous expliquait d’ailleurs que certains pans de son métier de travail aérien allaient inévitablement basculer en mode « sans pilote ».
Si l’aviation actuelle est presque intégralement consolidée entre moins de 5 avionneurs majeurs et tout autant de motoristes, en termes de drone, tout reste à faire. Il est d’ailleurs intéressant que ces deux ensembles, quasi oligopolistiques, ne s’engagent pas ou peu sur le marché du drone – non pas celui de loisirs mais celui, beaucoup plus porteur, à usage professionnel. Les exemples ne manquent pas : eVTOL, taxis aériens, fret aérien, sans parler des usages militaires de projection, frappe ou observation.
Devant cette absence de mouvement des acteurs aéronautiques traditionnels, Honeywell a donc décidé de prendre les devants. Stéphane Fymat, le chef de cette nouvelle division chez Honeywell, a déclaré s’attendre à ce que le marché du matériel et des logiciels pour les taxis aériens urbains, la livraison de marchandises par drone et d’autres entreprises de drones atteigne 120 milliards de dollars d’ici 2030. En précisant que Honeywell aurait prétention à se positionner sur 20% de cette manne, donc potentiellement 24 milliards de dollars – près de la moitié du chiffre d’affaires total de l’entreprise actuellement. Pour en capter le plus large spectre, la branche de capital-risque de Honeywell a également investi dans AirMap en Californie, pour un système de contrôle du trafic aérien sans pilote pour les drones, et Daedalean, basé en Suisse, qui développe des commandes de vol autonomes.
Au final, loin de converger, l’industrie du drone et de l’aéronautique traditionnelle n’en suive pas moins le même chemin : des acteurs spécialisés, dissociant l’ingénierie embarquée de la construction des appareils eux-mêmes. Et l’annonce d’Honeywell n’est pas due à un hasard du calendrier : la pandémie a redonné un coup de projecteur massif sur les drones, notamment sur ceux capables de livraison par les airs, sans contact.