La désertification des aéroports n’est que l’aspect émergé de l’iceberg. Faute de recettes, les grandes compagnies ont revu à la baisse la plupart des leurs commandes auprès de Boeing comme d’Airbus. Les carnets de commandes sont en théorie encore bien remplis. En pratique, les gains futurs ne pourront pas compenser les pertes actuelles.
Le déconfinement, pour l’industrie aéronautique, ce ne sera pas pour tout de suite. Les mesures se lèvent mais l’inertie du marché des constructeurs (Airbus et Boeing en tête) est telle que les reports et annulations de commandes d’avions neufs vont creuser les déficits bien au-delà de la timide reprise d’activité prévue cet été.
Chute libre
Airbus a publié le 29 avril une perte nette de 481 millions d’euros au premier trimestre, contre un bénéfice net de 40 millions d’euros un an plus tôt, et a livré 40 appareils de moins que l’an passé (122 livraisons). L’impact de la pandémie sur les ventes d’Airbus est flagrant : en avril 2020, l’avionneur a reçu 9 commandes brutes contre 60 en mars et zéro en février.

« Pas de prévision »
Chez Boeing, la perte est de 641 millions de dollars, pour seulement 50 avions livrés. L’écart est encore plus fort lorsque l’on connaît les réserves de cash de chacune : Airbus est à la tête de 30 milliards d’euros de liquidités. Boeing, de 15,5 milliards de dollars. Autre fait rarissime pour Airbus : compte tenu de la faible visibilité actuelle, l’entreprise n’est tout simplement pas en mesure de donner de nouveaux objectifs pour 2020.

Imaginaire collectif
Chaque entreprise négocie comme elle peut : report d’échéances, nouveaux crédits, voire aides substantielles de l’État. Cette dernière a l’assentiment des pouvoirs publics mais n’est pas sans conséquence politique : dans l’inconscient collectif, l’aviation pollue et le subventionner revient à financer directement la crise climatique. Tel n’est pas le cas (le secteur aéronautique n’est responsable que de 2 à 3% des émissions mondiales de CO2) mais l’imaginaire collectif à la vie dure.
Et demain ?
Pour se préparer un meilleur avenir, Airbus a racheté le programme C-Series du canadien Bombardier. En revanche, Boeing n’a finalement pas pris le contrôle de l’activité aviation commerciale du brésilien Embraer. Le projet de coentreprise Boeing-Embraer pour vendre l’avion militaire de transport brésilien, KC-390, est aussi abandonné. Et l’ensemble se greffe à la crise du 737 Max, laquelle affecte Boeing à hauteur de près de 19 milliards de dollars.
Olivier Müller