C’est un communiqué laconique. Bref, sans fioritures et qui était hélas attendu depuis un certain nombre de mois : ce 20 mai, Air France a annoncé l’arrêt définitif de toutes ses opérations avec l’A380 d’Airbus. L’arrêt de l’exploitation du très gros porteur était attendu pour 2022.
Air France a donc accéléré sa sortie de 18 mois environ. Selon la perspective adoptée, la crise sanitaire a servi soit de prétexte pour stopper son exploitation plus tôt, soit a révélé avec plus de force encore les coûts trop importants générés par l’exploitation – même à l’arrêt – de l’A380. Des coûts stratosphériques constatés dès son programme de conception, estimé à 15 milliards d’euros et lancé en 2004.
Cinq des Airbus A380 de la flotte actuelle sont détenus par Air France ou en location-financement, tandis que quatre sont en location opérationnelle. L’impact global de la dépréciation de l’Airbus A380 est estimé à 500 millions d’euros. Il sera comptabilisé au deuxième trimestre 2020 en charges / charges non courantes. Selon les informations de nos confrères du Monde, la flotte AF comprend ainsi au total 9 avions qui sont déjà au sol et « n’effectueront plus de vols commerciaux ».
Bien né mais au mauvais moment, l’A380 a finalement payé le prix fort de son gigantisme. Nombre d’infrastructures aéroportuaires n’étaient pas adaptées pour son gabarit (près de 80 mètres d’envergure et 575 tonnes max au décollage). Son coût unitaire, estimé entre 400 et 500 millions d’euros, réduisait drastiquement le nombre d’acquéreurs potentiels.
Avec 20% à 25% de consommation de kérosène en plus par passager, l’A380 coûtait cher (pour les compagnies) et polluait beaucoup (pour le grand public), malgré des efforts portés dès 2017 sur un A380Plus, garant de 4% d’économies.
En somme, une notoriété colossale, un défi technologique hors norme, mais un appareil perçu, dès ses premiers vols, comme l’incarnation d’un siècle que l’on veut voir révolu : aujourd’hui, le XXIe siècle se veut plus économe, plus local, plus écologique. L’A380 volait à l’opposé de ces grands principes et même des propres plans d’Air France, qui a pour feuille de route de réduire ses émissions de 50% à l’horizon 2024.
A court terme, Lufthansa a annoncé rapprocher également la date de fin de ses opérations avec l’A380. Emirates, qui en possède 115 exemplaires, ne s’est pour sa part pas encore prononcée.
Une conversion cargo serait envisagée pour certaines compagnies mais exigerait un nouveau certificat de navigabilité, lequel peut prendre plusieurs années. Les A350-900 sont aujourd’hui les plus privilégiés pour remplacer les capacités de l’A380.
Olivier Müller
Bonjour,
Merci pour l’article. Ce qui est très intrigant, c’est que le défi A380 n’a jamais été de faire qu’un quadriréacteur extra-capacitaire soit plus écologique que 2 biréacteur de moindre capacité. C’est quand même étonnant, le pari ne reposait que sur la saturation du réseau et la nécessité d’avoir des unités de transport de taille supérieure pour désengorger. J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi 2 B777 avec les coûts complets sont moins cher qu’un A380 et dommage qu’Airbus n’ait pas répondu à cette équation en plus de la saturation aéroportuaire.
Très bonne continuation, j’adore vos podcasts !
Nicolas.
Effectivement, c’était un pari très risqué surtout avec le B787 en face. D’un point de vue voyageur, ca me paraissait toujours plus intéressant d’avoir plus de fréquence qu’un avion plus gros.